20 Avr 2013

Innocuité et étiquetage des produits alimentaires : que fait l’Europe ?

Category: Société (pervertie)Léo @ 18 h 44 min

Le scandale de la viande de cheval a fait beaucoup de bruit car il a touché une corde sensible, le cheval ne faisant visiblement plus partie des animaux dont on souhaite manger la chair. La tromperie semble avoir été limitée au seul problème de l’étiquetage, la viande de cheval moins chère ayant simplement remplacé celle annoncée comme étant du bœuf. Toutefois, cette affaire inquiète car elle démontre la complexité atteinte par les réseaux de distribution, et trahit forcément un décalage entre les procédures et les outils de contrôle qu’il faudrait mettre en place, et la réalité quotidienne…

Pour autant, cette affaire n’est peut-être pas suffisamment grave pour faire émerger d’autres risques d’une plus grande importance encore, et dont il serait urgent de débattre : l’innocuité des aliments infestés de produits chimiques et la transparence de leur étiquetage.

La situation est paradoxale. D’un côté, les scientifiques nous alertent car ils constatent une augmentation du nombre des allergies, une forte hausse du diabète sucré et un accroissement de certains cancers. De l’autre, l’alimentation industrielle, à quelques exceptions près, abuse de colorants et d’arômes chimiques dont les études nous indiquent la toxicité lorsqu’ils sont pris à forte dose… La pollution est souvent mise en avant pour expliquer l’accroissement de ces maladies, mais bizarrement, l’alimentation industrielle n’est jamais montrée du doigt. Or elle le mériterait tout à fait, et à deux titres : au titre de la toxicité potentielle bien sûr, mais aussi au titre de la transparence de l’information donnée au consommateur, élément qui n’est d’ailleurs pas le moindre des deux. Quelques exemples concrets tirés de la vraie vie du consommateur (que je suis) font en effet froid dans le dos :

-bonbons à la fraise Yogourt and fruit (C.) : s’il existe un bonbon parfait sous l’angle du désir et du plaisir, c’est bien celui-ci qui, tel une glace artisanale italienne, affiche les torsades roses du fruit se mélanger avec les torsades d’un blanc laiteux et profond de la crème. Le goût est exquis. L’envie d’en acheter est maximum, tant que vous n’avez pas tenté de déchiffrer au verso du sachet les ingrédients écrits en lettres minuscules : le dioxyde de titanium (E171), colorant pour peintures grâce à son aspect blanc crémeux, jadis préconisé pour les murs des hôpitaux du fait de ses qualités antiseptiques mais depuis abandonné pour sa toxicité, est effectivement un produit capable de déglinguer n’importe qui à fortes doses : cancérigène, il provoquerait également des allergies respiratoires et d’autres pathologies peu amusantes… La mention « fait avec du yaourt » dans une vignette à l’ancienne arborant une louche de fermière sur un pot de crème est de nature à endormir la méfiance de l’acheteur quant au produit chimique contenu par ailleurs et à sa capacité potentiellement nocive. On retrouve hélas ce dioxyde de titanium dans la plupart des dentifrices, car maintenant, dans notre imaginaire manipulé, un dentifrice efficace se doit d’être d’un blanc pur.

-vinaigre balsamique et sirop de Cola (magasins C. et bien d’autres marques) : le caramel ammoniacal (E150c) est un colorant de couleur jaune jusqu’à sépia selon la concentration. Il est depuis quelques temps l’objet de suspicions inquiétantes : cancer, trouble du comportement chez les enfants, éventuelle génotoxicité… comme s’il n’existait pas des moyens plus naturels de teinter une boisson. C’est quand même triste de recevoir une dose à chaque vinaigrette ou à chaque verre de sirop.

-acide phosphorique dans certains sodas (C.) : les dentistes utilisent l’acide phosphorique en dosage à 35% et même avec une aussi faible dilution, le produit est capable d’attaquer la peau. Les produits vendus pour décaper la rouille en contiennent. Tous mentionnent de fortement rincer à l’eau le produit traité, puis de le neutraliser avec un produit à base de soude. Inquiétant.

-édulcorants dans la plupart des chewing-gums (H., M., W., etc…) et certains sodas (C., F., O., etc…) : ils sont déjà tous toxiques pris séparément, mais aucune étude ne se serait soit disant penchée sur leur toxicité lorsqu’ils se trouvent combinés à plusieurs dans le même aliment, comme c’est le cas du soda sans sucre actuellement le plus vendu, qui en cumule 2 : l’aspartame (E951) et l’acésulfame-k (E950) ! Tout le monde connaît le sorbitol (E420), médicament dont on se sert pour soigner certains problèmes de digestion et l’on comprend mieux pourquoi derrière les paquets de chewing-gums se trouve la mention  « une consommation excessive peut avoir des effets laxatifs ». Une marque mentionne même le nombre de chewing-gums à ne pas dépasser quotidiennement. Pas très rassurant ! Et totalement cynique : il a été démontré que le cerveau réagissait au goût sucré de la même façon avec des édulcorants, et que ces derniers n’empêchaient nullement l’arrivée du diabète ! Alors pourquoi de tels produits sont-ils encore en vente ? Pourquoi des industriels osent-ils encore mettre en avant la mention « sans sucre » ?

-le colorant jaune dans certains sodas : il faut se méfier des sodas d’un jaune intense, ils contiennent souvent de la tartrazine (E102) dont les études soulignent la probable dangerosité : allergies, troubles du comportement chez les enfants, la mélocéule serait également neurotoxique, peut-être même génotoxique. Du côté des risques potentiels, le E110, colorant jaune présentant une nuance légèrement plus orangée, est pas mal non plus.

-sirop sans sucre à la Stévia (T.) : avec les mentions accolées sirop « sans sucre » et « avec de la  stévia », on a l’impression d’être tombé sur le sirop miracle qui a révolutionné la diététique : aussi bon mais sans les risques liés à l’abus de sucre, le rêve. Mais si par malheur vous retournez le flacon, vous découvrez que le sirop contient finalement qu’un peu de stévia et beaucoup d’édulcorants : acésulfame K (E950), sucralose (E955). Donc non seulement le produit retombe dans la classe des produits à risques potentiels, mais l’affichage est trompeur au moment de l’achat disposé sur un rayon de supermarché, et le nombre de témoignages dans les forums consacrés à la diététique en atteste.

-Chewing-gum à la fraise (M.) : idem pour ce nouveau produit qui affiche « cœur 99% de vrai fruit » mais qui à la lecture du verso du flacon, également en lettres minuscules, vous indique que le cœur ne représente qu’une petite partie du chewing-gum, et que cette partie est constituée en quasi-totalité de poudre de pomme (alors que vous avez acheté un chewing-gum à la fraise en espérant profiter de la saveur de ce fruit) tandis que le reste est truffé d’anti oxydants et de de 3 édulcorants différents : sorbitol (E420), malitol (E965), acesulfame (E950). Là aussi, le packaging est élaboré de façon très orientée : l’attention du consommateur est focalisée sur les caractéristiques d’une partie parfaite des ingrédients alors que cette partie est marginale et côtoie des produits potentiellement toxiques qui eux ne sont pas marginaux.  

-jus de citron en poudre « colorants et colorants naturels » : ce sachet (acheté dans une grande surface aux USA) affiche la répétition du mot colorant comme si l’adjectif « chimique » avait été supprimé par le service marketing après relecture du Bon A Tirer du packaging avant envoi chez l’imprimeur. A la lecture des ingrédients qu’il contient, personne de mon entourage n’a voulu terminer cette boisson pourtant agréable au gout tellement elle n’était qu’un mélange de produits pharmaceutiques de synthèse. Encore une fois, le message principal sur le packaging minimise les risques potentiels en attirant l’attention sur une partie infinitésimale du produit dans lequel on ne retrouve effectivement pas plus de 1% de citron naturel !

– produits dermatologiques antirides ou anti vieillissement qui affichent sans vergogne « 85% de clients satisfaits » alors qu’il serait amusant de connaître les conditions de l’enquête qui a débouché sur un tel résultat (questionnaire, durée de l’expérience avec le produit, taille de l’échantillon) et que de toute façon, la satisfaction citée ne vaut strictement rien du point de vue scientifique : pour obtenir une AMM (autorisation de mise sur le marché) n’importe quel médicament doit être comparé à l’effet d’un placébo de même aspect selon un protocole strict et indiscutable du point de vue statistique ! Imaginons que ces 85% soient vrais, mais que n’importe quel placébo de même aspect obtienne quasiment les même résultats ? Ne serait-ce pas du vol pur et simple ?

– etc…

Cette modeste liste est issue d’une expérience purement personnelle et ne peut donc viser à l’exhaustivité. Il faudrait d’ailleurs des centaines de pages tellement le sujet est vaste. Mais cette liste soulève tout de même des questions essentielles si l’on se transporte sur le plan économique, sociologique et épistémiologique : faut-il en effet que la société moderne génère autant de risques de maladies supplémentaires alors qu’elle ne cesse de devoir arbitrer parmi les dépenses de santé compte tenu des fortunes qu’elle engloutit déjà dans la prévention et dans les soins ? Pourquoi par ailleurs le principe de précaution serait-il si développé vis-à-vis des OGM ou de l’oxyde de carbone et aussi peu stimulé au niveau de l’alimentation industrielle ? Enfin, pourquoi laisse-t-on les industriels jouer de la sorte avec les affichages et les slogans ? N’est-ce pas accepter que les citoyens les moins informés en matière de toxicité et les moins regardants dans leurs achats prennent autant de risques à leur insu ?  

Le problème posé devient éminemment politique et nous ramène au fameux principe de subsidiarité cher au libéralisme. Il faut laisser le Marché se débrouiller tant qu’il peut le faire de lui-même, c’est un gage d’efficacité, d’inventivité, de réactivité. Mais ce gage d’efficacité est d’autant plus fort que l’Etat peut et doit intervenir dès lors que le marché n’est pas le mieux placé pour le faire, ou lorsque celui-ci risque de ne le faire que trop tardivement. De nombreux industriels ont certes déjà fait le choix de fabriquer leurs produits de façon naturelle et sans brader la qualité, bien au contraire (pour ne citer que Haribo qui abuse de parfums et de colorants naturels puisés parmi les fruits mais aussi parmi les légumes, sans tabou, et qui en fait même un argument marketing) mais il devient nécessaire que ce mouvement soit accéléré afin qu’il se généralise au plus vite. Ce ne sont d’ailleurs pas de campagnes d’information dont la société a besoin, ce qui serait une solution absurde, mais d’un véritable assainissement de la composition des aliments et, en attendant que les industriels puissent trouver les solutions de substitution, de toute urgence donc, de règles strictes d’affichage, comme actuellement pour le tabac par exemple.

Plutôt que les Etats, l’Europe qui produit énormément de normes et de directives dont certaines sont superfétatoires (homogénéisation de la taille des légumes par exemple), ne pourrait-elle pas prendre de l’avance sur ces sujets dont personne ne se plaint vraiment parce que, pour le moment, le lien entre les risques et les maladies en recrudescence n’est pas (encore) clairement élucidé ?

3 Réponses à “Innocuité et étiquetage des produits alimentaires : que fait l’Europe ?”

  1. tunis a dit:

    La liste des additifs que vous dressez et l’allusion aux crèmes anti rides censées améliorer la jeunesse de ces visages esthétisés de la publicité me fait penser que la santé et ce qu’on en savoir est une affaire de communication. Il faut visiblement attendre un scandale pour qu’on découvre la nocivité d’un produit ou d’un excipient.

  2. médecine chirurgicale a dit:

    Je suis totalement d’accord avec vous ! Merci pour l’article

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