20 Fév 2022

Présidentielles : Macron et les seules cartes qui lui restent

Category: Leaders (politicards),Société (pervertie)Léo @ 21 h 54 min

Alors que certains médias pensent que la crise ukrainienne « contrarie les plans » d’Emmanuel Macron (RMC 18/02/22), celle-ci constitue au contraire un joker de plus dans la manche du futur candidat à la présidentielle.

La configuration actuelle lui est même particulièrement favorable, avec une conjonction de quatre jokers complémentaires sur lesquels, n’en doutons pas, il capitalisera au maximum. Ceci dans le but de détourner l’attention des problèmes domestiques et surtout, d’éviter que le bilan de son quinquennat ne s’invite dans la campagne. Ce qui lui serait fatal.

Voici les quatre jokers dont à coup sûr Macron va se servir afin de tenir éloigné tout risque d’inventaire :

La crise ukrainienne

La crise ukrainienne s’inscrit dans une longue succession de conflits dans la région. A cela se rajoute une espèce de surenchère verbale américaine, surenchère d’autant plus opportune que l’Europe est en première ligne si jamais des sanctions devaient être prises en cas d’attaque[1]. Tous les ingrédients sont donc là pour truster les actualités télévisées et la une des journaux.

Que Macron tente de s’inviter dans ce bras de fer diplomatique entre l’Europe, les Etats-Unis et la Russie est un excellent calcul. Outre le fait que cela lui permet de différer un peu plus l’annonce de sa candidature (voir plus bas), l’Ukraine lui fournit l’occasion d’obtenir des articles symboliquement élogieux comme celui du Monde, avec son titre d’une naïve admiration : « Emmanuel Macron teste une ‘méthode’ de désescalade face à Vladimir Poutine » (Le Monde 8/02/22).

Quiconque qui prendrait à la lettre ce quasi communiqué de presse élyséen croirait que notre jeune et peu expérimenté président serait sur le point de réussir grâce à une méthode géniale à laquelle aucun chef d’Etat n’avait pensé avant lui. Rien que cet article prouve combien la réponse médiatique à l’agitation présidentielle en Ukraine est d’une formidable rentabilité.

La présidence du Conseil de l’UE

Cerise sur le gâteau, la présidence du Conseil de l’UE permet de redonner à Macron une stature internationale qui ne peut qu’améliorer son image à quelques semaines de l’élection.

A la différence de Chirac et d’Hollande qui se défaussaient régulièrement sur l’Europe pour justifier l’échec de leur propre politique, Macron a commencé à utiliser la tribune qui lui est offerte comme moyen de soumettre des mesures qu’il n’a pas eu la force de décider pour son propre pays.

Réforme de l’espace Schengen, soutien intergouvernemental d’urgence en cas de crise aux frontières, gestion de l’immigration, autant de sujets que le président se gardait bien d’évoquer et qu’il va pouvoir jeter à la face de l’Europe devant les micros et les caméras du monde entier.

Cette stratégie est assez subtile car elle peut donner des allures de réformateur courageux à un président qui n’a rien réformé du tout. En effet, bien que la suppression de l’ISF soit une excellente mesure, tout comme le début du commencement d’une baisse de la fiscalité des entreprises, tant que ces dites mesures ne sont financées que par de la dette (et donc par de futurs impôts), on ne peut légitimement pas les considérer comme des réformes.

Outre l’échec de celle des retraites, la réforme de l’Etat, la seule qui permettrait de pérenniser une baisse généralisée des impôts et de mettre un coup d’arrêt à la désindustrialisation du pays, n’a toujours pas commencé.

Là se trouve le principal échec du gouvernement Macron, un échec cuisant qui vient de se voir confirmer par deux chiffres terribles : le record absolu du déficit commercial français en 2021[2] et le passage de la part de l’industrie sous le seuil des 10%[3] du PIB !

Le relâchement des mesures sanitaires

Que la pandémie s’essouffle ou pas, il reste toujours au président ce levier facile consistant à relâcher la chape autoritariste. A l’approche des élections, rien de tel pour faire oublier le confinement le plus violent des pays libres, confinement qui a généré la plus forte récession d’Europe, confinement contrôlé dans les rues via un questionnaire digne de l’occupation.

Rien de tel pour effacer des mémoires les mensonges sur les masques, les retards à toutes les étapes de la lutte contre la pandémie (masques, tests, vaccins) et un taux de mortalité encore 2,8 fois supérieur à la moyenne mondiale[4]

On peut parier que les mesures drastiques et autres pass sanitaires vont faire l’objet d’adoucissements spectaculaires deux ou trois semaines avant le premier tour.

La non déclaration de sa candidature

Les sondeurs l’ont maintes fois démontré : tout homme politique qui ne s’est pas déclaré candidat dans une campagne bénéficie d’un bonus dans les sondages. Pourquoi ? Parce qu’il se maintient au-dessus de la mêlée.

Pas encore en concurrence avec les autres, mais toujours au centre des spéculations sur la date probable de sa déclaration voire son intention même de se déclarer, le futur candidat qu’il est a tout intérêt à conserver ce mystère et cette distanciation avec ses futurs concurrents.

Car Macron et ses spin doctors le savent, la déclaration de sa candidature sera suivie d’un recul dans les sondages. C’est un obstacle dans une campagne qu’il sera d’autant plus difficile de compenser qu’à partir du moment où il sera descendu dans l’arène, Macron devra se comporter en candidat et répondre aux critiques de ses rivaux, rivaux qui jusqu’à présent ne pouvaient pas véritablement l’attaquer.

Or les chiffres du bilan du quinquennat de Macron sont accablants. Si tout d’un coup les citoyens se passionnaient pour les conséquences concrètes de sa gouvernance, le cours de la campagne en serait totalement renversé.

Le talon d’Achille de la démocratie

Dans un monde démocratique idéal, peuplé de citoyens instruits et informés, dirigés par un président honnête et totalement consacré à sa mission, le seul véritable joker d’un candidat sortant serait certainement la qualité de son mandat et l’amélioration du bonheur des citoyens qui en a résulté.

Mais en France, le peuple fait depuis des décennies l’objet d’un endormissement intellectuel parfaitement orchestré par l’Etat, les médias et l’Education Nationale. Le faible niveau de connaissances en économie politique, la persistance du rêve marxiste, le rejet du libéralisme[5] et la désinformation sur l’état réel du pays se cristallisent chaque jour dans le cerveau des citoyens les moins armés.

Le fait que Macron soit encore en tête dans les sondages à seulement deux mois de l’échéance ne s’explique pas seulement par les jokers dont il bénéficie à ce jour. L’ignorance d’une part significative des électeurs en est certainement la principale raison.

Cette ignorance montre combien, derrière l’existence d’un processus électoral d’apparence, la démocratie française est devenue fragile. Mensonges et dissimulations sont revenus sur le devant de la scène politico-médiatique[6] et se jouent de l’opinion publique, poussant celle-ci vers les votes antisystème. Un rejet parfois sans la moindre nuance et donc particulièrement dangereux.

A deux mois de la présidentielle, toute initiative capable de rendre aux électeurs le niveau d’information qu’ils méritent concernant l’état réel du pays et le bilan du candidat Macron sont d’intérêt public.  

 

 

[1] L’Italie, l’Allemagne et l’Autriche ont des intérêts très étroits avec Moscou.

[2] Soit 84,7 milliards d’euros en 2021, le pire déficit commercial de l’histoire

[3] Cette part est tombée à 9,39% en 2020 (source Worldbank), un autre record historique

[4] Chiffres Worldometer au 18/02/22

[5] Au sens de courant philosophique tel qu’il est décrit notamment par Pierre Manent dans son « Histoire intellectuelle du libéralisme »

[6] Les médias ont bien évidemment leur part de responsabilité, pas seulement les politiques

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