23 Fév 2016

Quid du risque totalitaire ?

Category: Société (pervertie)Léo @ 17 h 22 min

 

Dans son analyse magistrale « Le système totalitaire », Hannah Arendt démontre la place importante de l’idéologie dans l’avènement de tels régimes (stalinien et hitlérien). L’atomisation et l’isolement des individus en masses soumises, l’installation d’un système complètement irrationnel dont le seul but est d’assurer le pouvoir du leader, la pratique du mensonge et de la propagande, la destruction du droit et de la morale, le déplacement du pouvoir vers la police, l’instabilité, la dissimulation, la duplication et l’atomisation de la hiérarchie, tous ces marqueurs totalitaires se sont chaque fois accompagnés d’un « idéalisme, c’est-à-dire d’une foi inébranlable en un monde idéologique fictif » sans lesquels de tels régimes n’auraient certainement pas atteint la dimension qui fut la leur. Selon l’auteure, ce dernier élément serait même le but ultime « plutôt que l’appétit de pouvoir »[1] de tout régime totalitaire. C’est dire la dangerosité de l’idéologie !

Pour Hannah Arendt, toute pensée idéologique contient trois éléments de nature spécifiquement totalitaires [2] :

-1) La prétention à tout expliquer,

-2) Dans cette prétention, la capacité à s’affranchir de toute expérience,

-3) La capacité à construire des raisonnements logiques et cohérents permettant de créer une réalité fictive à partir du résultat attendu du raisonnement, et non pas à partir de l’expérience.

A la lecture de ces trois marqueurs toxiques, de ces trois facteurs favorables au totalitarisme[3], comment ne pas faire immédiatement le lien avec la France ? Son inclination socialiste si ce n’est marxiste[4] n’obéit-elle pas à ces trois critères ? Par conséquent, la France serait-elle en danger ? Et ce danger serait-il en voie de résorption, ou au contraire en phase d’expansion ?

 

La France, un pays à risque élevé

Nos voisins étrangers le disent et le répètent au gré de leurs étonnements successifs : la France est un pays qui préfère théoriser, s’abstraire plutôt que de discuter des faits concrets, et de leur chercher des solutions adaptées. Et même s’il s’agit probablement d’un trait culturel, force est de constater que ce penchant français pour le concept est très fortement idéologisé. Le phénomène est connu : à cette abstraction théorique hexagonale s’ajoute une dimension idéologique de nature politique particulièrement développée.

Les preuves tangibles de ce refus des faits pour des raisons purement idéologiques sont légion et continuellement renouvelées. On pourrait toutefois ne citer que les plus criantes, les plus factuelles et les plus gigantesques d’entre elles, parmi lesquelles :

La France abuse du keynésianisme depuis le milieu des années soixante dix environ. Le keynésianisme est efficace lorsqu’il s’agit de traiter une insuffisance de la demande. Il sert notamment de tampon pendant les crises d’ajustement de l’économie, en aidant les ménages le temps nécessaire, etc… Or la part de marché mondiale française a été divisée par deux depuis cette même période, ce qui prouve qu’il existe un problème de compétitivité, ou plus exactement, un problème d’offre, problème que cette succession presque ininterrompue de politiques de relances de la demande n’a bien évidemment pas réussi à enrayer (la France a d’ailleurs disparu ou presque de la plupart des secteurs à forte croissance actuels, les secteurs de l’innovation tels que l’informatique, l’électronique, les biotechnologies).

Toutes ces données sont pourtant connues. Si la France a refusé de contrecarrer ce recul, ce n’est donc pas faute de ne pas être informée des faits, mais pour des raisons idéologiques. Quelque soit le gouvernement en place d’ailleurs (à quelques exceptions assez courtes près), la primauté a été donnée à la redistribution, à la protection des acquis sociaux (des insiders donc), au partage du travail (tocade unique au monde), avec pour conséquence la fuite en avant dans la vie à crédit et dans l’endettement… Aucune justification qui ne soit pas d’origine idéologique permet d’expliquer un tel évitement du réel sur une période d’une quarantaine d’années. Un pays ne peut persévérer dans l’erreur aussi longtemps sans de bonnes raisons. Certes, on peut toujours avancer le manque de courage de nos décideurs. Mais l’idéologie ne les a-t-elle pas considérablement aidés, en fournissant aux plus velléitaires d’entre eux les meilleures raisons à leur inaction ? N’est-il pas devenu inconvenant de parler d’effort et de restrictions ? N’est-il pas devenu grossier de suggérer de lancer des réformes ? Toucher au revenu minimum n’est il pas devenu criminel ? Assouplir le droit du travail humainement dégradant ? Se battre contre la concurrence mondiale inconvenant ? Quel que soit l’angle par lequel on analyse le problème, l’idéologie en est toujours l’épicentre…

-Tandis que la quasi-totalité de la planète se livre au commerce, à la course à l’innovation et à l’enrichissement, tandis que des pays pauvres émergent et que des pays riches nous ont doublé (cf analyse ici présentée « Déclin économique français : mythe ou réalité ? »), la France continue d’accepter que son système scolaire et universitaire façonne le plus souvent possible des bataillons de citoyens qui ne connaissent que la vision étatique, socialiste, marxiste de l’économie. L’aveuglement idéologique qui justifie le non traitement des problèmes économiques du pays se reproduit donc sur les générations à venir. Il a de beaux jours devant lui. Car tout a été fait pour en pérenniser les dégâts. Le discours politique mensonger (autre marqueur du totalitarisme) assure ainsi pour longtemps sa crédibilité auprès des consciences car celles-ci ont été préparées à cet effet (cf analyse ici présentée « Le long travail militant de l’université »).

-Et comme si l’Education Nationale ne suffisait pas à entretenir la flamme idéologique, il faut compter sur les médias français, très majoritairement du même bord. Les sondages « sortie des urnes » de la Présidentielle de 2012 ont fait apparaître que 74% des journalistes avaient voté pour F.Hollande, dont le programme de réforme fiscale s’annonçait pourtant d’autant plus dangereusement contreproductif et contra-cyclique que rien par ailleurs n’était proposé pour relancer la compétitivité française et diminuer ses blocages historiques (droit du travail, charges sociales, poids de l’Etat, etc…). Pour ne citer que les principaux médias chargés de cette éducation des masses (qui parfois frise la désinformation)(cf analyse ici présentée « Les raccourcis économiques de France 24 ! ») : Nouvel-Obs, Libération, Alternatives Economiques, Marianne, Le Monde, Le Monde Diplomatique, Courrier International, France Info, France 24, Arte, Antenne 2…

Ce chiffre de 74% est effarant. Il démontre l’incroyable tropisme gauchisant des moyens d’information. Actuellement, seule une poignée de médias est à même de relater sans détour ni litote, ni novlangue, la gravité de la situation économique, sociale et sécuritaire hexagonale. Ceci n’est pas une anecdote mais au contraire la preuve inquiétante de la vulnérabilité de notre pays face à un éventuel glissement totalitaire.

Encerclé comme il l’est par le discours politique, le formatage scolaire et le traitement médiatique des informations, le citoyen français apparaît donc particulièrement bien manipulé d’un point de vue idéologique[5].

Maintenant, qu’en est-il de l’évolution de ce phénomène ?

 

Un début d’aggiornamento en vue !

La situation actuelle montre à la fois une sérieuse aggravation du « délire idéologique », et l’apparition d’une véritable révolte intellectuelle de nature à le combattre efficacement.

D’un côté, la situation se détériore car, en effet, la crise des migrants et la série d’attentats sanglants apportent la preuve que le déni du réel, le refus des faits se portent d’autant mieux que ceux-ci sont particulièrement rudes. Le traitement de la vague d’immigration tout comme celui des attaques terroristes ont suscité des débats véritablement abscons quant aux raffinements linguistiques mis en branle pour ne pas nommer les problèmes. Les risques de non intégration des émigrés, tout comme la raison de leur venue ou leur violence une fois sur place ont fait l’objet d’une méchante censure dans la plupart des rédactions. Il en est de même pour l’origine ethnico-religieuse des terroristes. Quant à la stratégie de l’EI, elle a été présentée avec toutes les pincettes diplomatiques requises afin d’éviter de froisser les éventuelles susceptibilités des populations de confession musulmane. Certains analystes français vont jusqu’à expliquer le terrorisme qui a sévi dans l’hexagone comme le résultat nauséabond d’un racisme anti-islam, comme le fruit d’une écrasante domination judéo-chrétienne sur des populations « dominées et dans le besoin ». La crainte des amalgames a subit une hypertrophie telle que l’on peut se demander s’il n’est pas devenu préférable de défendre le bourreau de peur d’aller trop loin, de l’autre côté.

Pour autant, des motifs d’espoir apparaissent depuis que les tenants du réalisme, les pourfendeurs de la réalité des faits, les chevaliers blancs de l’objectivité font la une des médias, et sèment la zizanie dans le camp adverse. Quand bien même on peut ne pas être toujours d’accord avec la solidité de ses démonstrations, il faut rendre mérite à la ténacité d’un Zemmour, devenu la bête noire de la bien-pensance actuelle par son mauvais goût (celui d’évoquer ce que l’on n’a plus le droit d’évoquer). Il faut tout autant rendre hommage au cynisme provocateur d’un Houellebecq. Tous deux ont joué un immense rôle de désinhibiteur des discours, de bulldozer de la liberté d’expression. Parallèlement à ce travail brutal façon électrochoc, il faut citer l’incroyable courage d’un philosophe comme Alain Finkielkraut, qui se paie le luxe de déballer sa franchise intellectuelle sur tous les écrans cathodiques ou presque, de façon mesurée quand ce n’est pas humoristique, dans l’héritage logique du si regretté Philippe Murray. Ce travail de fond, de moins en moins austère, et de plus en plus réjouissant, porte ses fruits de façon évidente.

Depuis peu, le niveau de désobéissance idéologique a même atteint des sommets inespérés. Nombreux sont les porte voix brillants qui s’y sont mis, du journaliste Kamel Daoud à la fondatrice de Causeur, Elisabeth Levy, de l’essayiste Pascal Bruckner à l’historien Marcel Gaucher, avec la bénédiction de médias de moins en moins rares, et des insultes du camp adverses de moins en moins audibles. A cela, il faut ajouter la vague de médias alternatifs (Causeur, Atlantico, Contrepoints, Lesobservateurs.ch, etc…) et bien évidemment les réseaux sociaux, avec des groupes de quasi révolte intellectuelle extrêmement nombreux sur Facebook grâce auxquels les informations (images, statistiques) circulent d’autant plus vite qu’elles sont interdites dans les médias dominants. Le meilleur indicateur de la maturité de cette révolte intellectuelle et le principal allié de celle-ci reste toutefois le score du Front National. Nombreux sont en effet les médias qui commencent à se demander s’ils vont pouvoir continuer longtemps à régurgiter une morale que presque plus personne ne comprend. Il y a comme un malaise sur les plateaux de télévision (A2, On n’est pas couchés, etc…). Il faut s’en réjouir !

Ainsi se met peu à peu en place un système de réaction de défense contre une doctrine politique ultra-dominatrice (l’idéologie socialiste, elle-même composée d’antilibéralisme et de tiers-mondisme) devenue inaudible et insupportable. Ce système de défense multiforme, composé d’intellectuels lucides, de média contraints et forcés (d’arrêter de se pincer le nez), et de sondages à démoraliser la cléricature gauchiste (qui du coup, se dispute), devrait finir par rendre la vie de plus en plus difficile à l’idéologie française actuelle…

Il est plus que temps. Car, ainsi que l’on peut l’observer, la situation de l’hexagone apparaît particulièrement vulnérable du point de vue de la démocratie.

 

[1] Le système totalitaire, page 210, édition Points

[2] Le système totalitaire, page298, éditions Points

[3] la théorie de Hannah Arendt est mondialement reconnue comme référence

[4] Dans « L’opium des intellectuels », Raymond Aron explique le succès du marxisme à sa capacité à tout expliquer, à tout englober dans une perspective historique digne d’une religion

[5] en 2005, le seul pays au monde qui était à plus de 50% contre « le système basé sur la libre entreprise et l’économie de marché » dans le sondage Globescan était l’hexagone. Loin devant tous les autres parmi lesquels des pays pauvres et d’anciens pays communistes !

7 Réponses à “Quid du risque totalitaire ?”

  1. zelectron a dit:

    le TOTALITARISME c’est l’ADN du SOCIALO-FASCISME qui préside actuellement à nos destinées

    • Léon a dit:

      c’est également mon avis. Mais en France, c’est fait de façon soft, subtile, et sans doute incomplète. Pour le moment en tout cas…

  2. Marcault a dit:

    Oui je suis d’accord ça bouge un peu, personnellement j’ajouterai dans les personnalités un certain courage de Michel Onfray qui vat jusqu’à défendre le livre américain du  » choc des civilisations » et surtout Fabrice Luchini. Car se dernier m’a fait découvrir Philippe Murray, mais surtout il revendique une position politique complètement à contre courant du milieu du show-biz en se positionnant clairement à droite totalement décomplexer. Son raisonnement est pertinent quand il explique qu’il ne peut pas être de gauche puisqu’il faut être un saint pour afficher autant de bonté dans la pensée. Cette provocation de sa part souligne le déni de réalité systématique de la pensé progressiste.

    • Léon a dit:

      Je n’ai pas mentionné le nom de Michel Onfray car je suis incapable de le positionner quelque part. Comme il change d’avis au gré des intervieweurs (il me semble) et qu’il a commis des analyses lamentables (sur Freud, et même sur la gauche qu’il accuse d’être libérale, ce qui est une énorme faute de clairvoyance), je ne me réfère jamais à lui. Il est capable du pire… Fabrice Luchini fait du bien par contre, et je pourrais presque le mentionner…

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