26 Mar 2018

A l’ère des techniques de profiling, les meurtres commis par des fichés « S » sont inadmissibles

Category: Société (pervertie)Léo @ 14 h 33 min

Après la légitime émotion soulevée par l’attentat de Carcassonne, le moment est venu de refaire un point sur la politique de prévention du gouvernement. Il semble que si la sécurité du pays était entre les mains d’une entreprise privée, celle-ci aurait vite fait d’exploiter la base des fichés « S » de façon systématique et opérationnelle. A l’heure du big data, des logiciels de datamining et des techniques de prédiction basées sur les corrélations entre évènements, il paraît en effet difficilement acceptable que des fichés « S » continuent de tuer sur le territoire français.

Le côté stéréotypé du profil des terroristes depuis l’affaire Merah suffit à susciter des doutes quant à l’efficacité de la politique de prévention du gouvernement actuel. Trois questions s’imposent irrémédiablement. Elles concernent :

-la non exécution de la loi

-les contradictions au sein même de cette loi

-l’absence de traitement opérationnel de ces fichés « S ».

La non exécution de la loi

Le dernier terroriste en date, qui a frappé à Carcassonne et Trèbes ce 23/02/18, Redouane Lakdim, avait été arrêté plusieurs fois pour violences, trafic de drogue, port d’arme et refus d’obtempérer. On apprend tout d’un coup de l’un de ses professeurs qu’il avait fait défendu, en classe, les auteurs de l’attentat de Charlie Hebdo ! Que Gérard Collomb parle d’un « petit délinquant » sans danger laisse entrevoir le niveau d’irréalisme actuel au sein des services de sécurité.

Sans aller chercher très loin, le précédent terroriste, qui a tué à Marseille le 8/10/17, Ahmed Hanachi, avait été expulsé deux fois de France. Pourquoi s’y trouvait-il encore ? Pour de simples raisons logistico-administratives qui avaient empêché la procédure d’expulsion d’aboutir !

Accepter des personnes aussi dangereuses sur le sol français, ne pas les empêcher de nuire, ne rien faire quand elles font ouvertement l’apologie des crimes perpétrés au nom de l’Islam, tout cela revient à accepter les meurtres qu’elles risquent de commettre… L’Etat, par son manque de réactivité et de fermeté ne porte-t-il pas une part des responsabilités des vies d’innocents disparus ?

Les contradictions au sein de la loi

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le terroriste fiché « S » qui a tué le 19/06/17 sur les Champs Elysées, Adam Lofti Djaziri, était doté d’un port d’arme. Cette contradiction n’est pas grave en soi, la demande de port d’arme était sans doute légitime d’un point de vue purement administratif. Ce qui est plus dramatique par contre, c’est le fait qu’aucun croisement n’ait eu lieu entre le fichier des autorisations de détention d’arme et le fichier de ces terroristes. Alors, une question se pose, particulièrement douloureuse : à quoi sert un tel fichier s’il n’est pas exploité?

Il en est de même pour le premier terroriste de cette longue liste, Mohammed Merah, qui a tué le 1/03/12 dans le sud-ouest. Comment se fait-il qu’un individu arrêté pour 18 faits de violence (excusez du peu), et connu pour avoir suivi des entrainements en Afghanistan et au Pakistan puisse se trouver en liberté ? Idem pour Omar Ism. Mostefaï, qui a tué le 1/11/15 à Paris : 8 condamnations et un séjour en Syrie ne suffisaient-ils donc pas pour mettre ce dangereux individu à l’abri de ses pulsions criminelles ? Là encore, d’un point de vue juridique, compte tenu de son laxisme, l’Etat n’est-il pas en partie responsable ?

L’absence de traitement opérationnel des fichés « S »

Il suffit de constater, dans le fichier des terroristes fichés « S » qui ont frappé ces dernières années, combien leur profil fait apparaître des points communs dont on peut raisonnablement penser qu’ils sont des indicateurs prédictifs de leur dangerosité :

-membre d’une grande fratrie et autorité familiale défaillante (père et/ou mère absents ou dépassés)

-français originaire d’Afrique du nord et âgé de 19 à 31 ans

-un frère connu pour terrorisme (que ce soit en France ou dans son pays d’origine)

-détention d’arme

-voyage en Syrie, en Turquie, en Irak, etc…

-nombreux séjours en prison et rencontre avec un extrémiste

-pratique religieuse aussi récente que radicale

-trafic et consommation de drogue…

Ce ne sont pas des critères anodins, et on peut supposer que tous les fichés « S » ne les cumulent pas. Aussi est-il théoriquement facile de dégager parmi les 20 000 délinquants les quelques profils qui cumulent un maximum de critères prédictifs, ceux dont la probabilité de tuer est la plus importante. N’importe quel spécialiste du datamining saurait extraire de ce fichier une cible avec une fiabilité élevée à partir d’un fichier aussi réduit. Il suffirait de croiser toutes les données disponibles, quels que soient les services de police ou juridique concernés, puis d’établir les corrélations afin d’obtenir, in fine, ainsi que le font les sociétés de ciblage une sorte de scoring de dangerosité.

Les indéniables lacunes du gouvernement Macron

Entendre des membres du gouvernement dire que les fichés « S » sont « trop nombreux » pour faire un suivi exhaustif est tout simplement scandaleux. Pour n’importe quelle entreprise opérationnelle, une population aussi petite peut se prêter à de nombreuses possibilités d’actions préventives. Il existe par ailleurs des modes de gestion de crise qui passent outre les barrières administratives et les niveaux hiérarchiques.

Lorsque E.Macron, pendant la campagne présidentielle, propose de créer une cellule pour « coordonner la lutte anti-terroriste », c’est faire montre d’un réflexe assez technocratique. Certes, la coordination des différents services de lutte contre le terrorisme doit exister, c’est le minimum. Mais l’essentiel est dans la proactivité de chaque entité. Ne pas extrader un criminel pour des raisons de logistique n’a rien à voir avec un problème de coordination. C’est le b.a.-ba du fonctionnement de la justice ! Ne pas enfermer un multirécidiviste qui a suivi des stages au Moyen Orient non plus !

Nous sommes quasiment en état de guerre. Les postures idéologiques ou tiers-mondistes qui font le charme des socialistes ne devraient plus avoir cours. Vouloir “mobiliser l’ensemble des hôpitaux psychiatriques (et) des psychiatres libéraux, de manière à essayer de parer à cette menace terroriste individuelle” comme l’avait exprimé Gérard Collomb (22/07/17) n’était-il pas la signature d’une sorte d’abdication devant l’action ? Il reste un espoir, que ce « checking général sur les profils à risque» dont le ministère de l’Intérieur parle à présent (Figaro 25/03/18) porte rapidement ses fruits. Mais une question s’impose aussitôt : comment se fait-il que celui-ci n’ait pas eu lieu plus tôt ?

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