08 Mar 2020

Ce krach qui vient : catastrophe ou opportunité ?

Category: ManagementLéo @ 18 h 29 min

La bourse française, le Cac40 plus exactement, pour ne considérer que son indice principal, a progressé de 200% depuis octobre 1997, ce qui représente une hausse moyenne de +2,92% par an. A première vue, c’est peu mais l’indice a gagné +62% sur les 10 dernières années (début février 2010 à début février 2020) ce qui représente un gain de +4,5% chaque année. Encore mieux, l’indice a gagné 60% depuis le 24 juin 2016, ce fameux lundi noir de l’annonce de la victoire du Brexit, ce qui représente un rendement annuel d’environ +10% ! A condition d’avoir vendu début février, bien sûr.

Pourquoi tant de différences d’une période à l’autre ? Tout simplement parce que le rendement dépend énormément du moment où l’on se positionne sur le marché. En d’autres termes, pour gagner de l’argent, il suffit d’acheter quand les cours sont survendus et de sortir quand ils sont surévalués. Ce que les spéculateurs traduisent par « acheter au son du canon, vendre au son du clairon ». Acheter quand c’est la panique, vendre quand l’euphorie a gagné tout le monde.

Voici quelques exemples concrets pour illustrer cet adage simpliste et pourtant tellement vrai :

  • quelqu’un qui aurait pris position au plus haut historique du Cac40, le 4 septembre 2000 exactement, serait encore très largement perdant à ce jour. Il lui faudra peut-être 5 années supplémentaires pour retrouver sa mise de départ. Une mise qui aura donc été immobilisée pendant au moins 25 ans pour rien.
  • quelqu’un qui aurait acheté au second plus haut historique de l’indice, le 1er juin 2007, serait également perdant à ce jour.
  • à l’inverse, quelqu’un qui aurait acheté à la fin du krach de 2009, le 3 mars 2009 aurait plus que doublé sa mise au dernier plus haut de février 2020, soit un rendement de +7,5% annuel moyen.
  • et celui qui aurait acheté lors du mini krach lié à la victoire du Brexit aurait gagné +60% en moins de 4 ans !

Ainsi, contrairement aux idées reçues, les krachs, ces évènements tant redoutés, qui se reproduisent environ tous les 7 ans[1], constituent des opportunités formidables pour s’enrichir.

Les krachs, des excès de panique à saisir

Il ne faut pas croire que lorsque les marchés sont baissiers, il suffit de trouver les actions qui montent pour gagner. Pendant les tendances baissières, à fortiori pendant les mouvements de panique générale, pratiquement toutes les actions suivent l’indice de référence auquel elles appartiennent. C’est ce que mesure le fameux coefficient béta, qui montre qu’historiquement, les mouvements des actions sont déterminés à 80% par la tendance du marché, quels que soient les mérites propres de ces dites actions[2]. Lorsqu’un marché est baissier, il emporte tout.

D’ailleurs, les krachs sont comme des bulles spéculatives à l’envers. De nombreux scientifiques ont montré l’aspect irrationnel de tels excès. Des excès qui peuvent ramener le PER (price earning ratio)[3] à des niveaux ridicules, et le cours de certaines actions d’entreprises en dessous même de la valeur de leurs fonds propres !

Plusieurs livres de référence démontrent l’existence de moments de folie des marchés[4]. Certains économistes maintiennent qu’il n’y a pas de corrélation évidente entre les cours de bourse et les fondamentaux des entreprises. Nombreux sont d’ailleurs les spéculateurs à ne considérer que l’aspect psychologique des marchés, via l’analyse technique, indépendamment des résultats des entreprises, du domaine de l’analyse fondamentale. L’astuce pour ces spéculateurs consiste à deviner ce que vont faire les investisseurs, c’est-à-dire la tendance à venir. C’est que Keynes appelait métaphoriquement le « concours de beauté ».

Comment déceler la fin d’un krach ?

Il est très difficile de sentir exactement la fin d’un krach. Parmi le florilège d’indicateurs que propose l’Analyse technique[5], aucun n’apporte une solution fiable ou satisfaisante. Néanmoins, il existe un ensemble de symptômes qui sont communs à la plupart des fins de corrections excessives et qui, lorsqu’ils sont combinés entre eux, annoncent le début d’un changement de psychologie des investisseurs. Ces éléments sont les suivants :

  • Une correction intraday historiquement démesurée qui fait qu’il y a quasi-certitude que la clôture du jour se fera bien plus haut. Seulement 1 fois en 21 ans le CaC40 a perdu -9% à la clôture, seulement 1 fois -8%, seulement 2 fois -7%… Lorsque le Cac40 est à -10% en intraday, comme le jour de l’annonce de la victoire du Brexit, ça sent déjà le rebond immédiat avant même la clôture.
  • L’accroissement phénoménal des volumes, lorsqu’il est lié à des chutes historiquement rares apporte un surcroît de certitude quant à la possibilité d’un rebond rapide. Et lorsque le Cac40 qui perdait dans les -10% en intraday ne clôture qu’à -5% dans des volumes 3 fois supérieurs à la moyenne, la probabilité d’un retournement devient importante. C’est ce que matérialiste visuellement le fameux doji de la méthode des « chandeliers japonais ». Car des tas d’acheteurs ont profité de la baisse pour se replacer.
  • La proximité d’une ligne de soutien historique des cours. Sur le graphique ci-dessous apparaissent 4 lignes évidentes. La ligne (A) en vert correspond à la base d’un canal haussier sur laquelle il est possible que le Cac40 rebondisse. Mais sauf bonne nouvelle immédiate, l’indice risque de poursuivre sa descente car cette ligne reste relativement haut placée. La ligne de soutien (B) parait plus solide mais vu la gravité du contexte actuel (actions surévaluées, conséquences économiques de la pandémie du coronavirus et risques de conflit autour de la Syrie/Turquie) la proximité du Cac40 sur la ligne (C) serait un signal encore plus robuste. Quant à l’arrivée sur la ligne (D), ce serait une bénédiction.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • La généralisation du sentiment de panique qui va faire que même les personnes qui ne s’intéressent pas à la bourse seront inquiétées par la chute des valeurs. Au début d’une baisse, seules les personnes concernées sont informées. Lorsque tout le monde est sensibilisé, et que les journalistes généralistes en parlent, cela signifie généralement que le mouvement est bientôt épuisé.
  • Un ralentissement de la tendance moyenne baissière combiné à une hausse entre les extrêmes et un retour vers les plus bas de la zone décrite. D’un point de vue purement visuel, la partie jaune du graphique ci-dessous témoigne d’un ralentissement de la pente moyenne du krach combinée à un accroissement entre les plus bas et les plus hauts. La zone décrite est donc à la fois de plus en plus large et de moins en moins descendante. Elle trahit un retour (certes épisodique) des acheteurs, avec la naissance de conflits entre les bullish (haussiers) et ceux qui restent encore bearish (baissiers). Lorsque les cours reviennent vers les plus bas de cette zone, la probabilité que les vendeurs l’emportent définitivement devient plus élevée. Surtout si les précédents symptômes sont également présents…

 

 

 

 

 

 Chasser les krachs, l’approche la plus rationnelle ?

Beaucoup d’ouvrages proposent des solutions de bon sens pour gagner en bourse[6]. Cependant, l’arrivée d’un krach constitue une véritable opportunité, celle d’avoir rapidement des cours sous-évalués qui vont conduire à un rebond durable et puissant. Certains spéculateurs se cantonnent dans cette activité qui n’est à vrai dire ni fatigante, ni stressante, en tout cas bien moins oppressante que le day-trading.

Une méthode très rationnelle consiste même à n’engager des fonds que proportionnellement à la position vis-à-vis des lignes de soutien. Par exemple, dans la mesure où il ne faut jamais risquer une partie significative de ses avoirs, l’approche peut consister à investir quelques pourcents si le Cac40 touche la ligne B ou C et énormément plus si elle arrive à la ligne D… Une telle approche demande beaucoup de patience : il faut attendre que les cours soient littéralement massacrés. Mais lorsque la période semble prometteuse, il suffit de sortir ses liquidités. Il existe même des supports avec effet de levier, histoire d’accroître le rendement de l’opération.

Attention : cet article ne s’adresse bien évidemment qu’à un public averti et expérimenté. Il ne constitue en aucun cas une quelconque incitation à la spéculation. L’univers de la bourse reste très risqué. L’auteur décline toute responsabilité quant à l’éventuelle interprétation ou exploitation de cette analyse.  

[1] 3 vrais krachs sur les 22,5 dernières années soit 1 tous les 7 ans environ. Cette moyenne peut changer rapidement…

[2] Théorie des marchés financiers : gestion des portefeuilles et des risques, Solnick et Jacquillat, Dunod

[3] Indice de cherté d’une action : calculé de cette façon : bénéfice par action divisé par le cours de l’action

[4] « Les esprits animaux » de  Akerloff (prix Nobel) et Schiller, Flammarion ; « Théorie des marchés financiers : gestion des portefeuilles et des risques », Solinick et Jacquillat (Dunot).

[5] Parmi les bibles du domaine : « Analyse technique » de Béchut, Nebenzahl et Bertrand (Economica), « Les marchés financiers » de Vizzanova (Atol)

[6] Notamment ceux de John Murphy

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