14 Juin 2019

Peuple de droite en quête de leader

Category: Leaders (politicards),Partis (politicards)Léo @ 16 h 28 min

Un peu comme dans la pièce de Pirandello[1], les électeurs de droite semblent à ce jour désemparés, en attente d’un patriarche si ce n’est d’une voie à suivre. Il est vrai que différents sondages montrent leur éparpillement dans l’espace politique, à l’instar d’une bombe à fragmentation après explosion.

Bien sûr, le coup de théâtre de la présidentielle de 2017 a laissé des traces. Mais depuis, ces électeurs devenus orphelins n’ont cessés d’être abusés par le discours politique ambiant. Pas seulement par celui d’un Emmanuel Macron très habile pour brouiller les pistes afin de se faire élire, mais plus incroyable encore, par celui des leaders de la droite elle-même tels qu’Alain Juppé et Nicolas Sarkozy ! Le premier n’a eu de cesse de courtiser l’actuel président après n’avoir soutenu ni François Fillon ni son programme présidentiel d’inspiration libérale, pour ensuite carrément quitter les Républicains. Quand au second, tout le monde se souvient de ses étonnantes prises de position en faveur de Macron. Parmi les dernières : « Je sais combien il est difficile de satisfaire toutes les attentes nées d’une élection. Je m’abstiendrai donc de le critiquer. Et c’est si facile de détruire. Donnons-lui le temps » (Le Point 12/18). C’était pourtant fin 2018…

Ce délire kaléidoscopique se poursuit de plus belle avec, semaine dernière, deux déclarations contradictoires qui résument à elles seules l’étendue de la supercherie :

  • Emmanuelle Mignon, ancienne conseillère de Sarkozy, ce 8 juin au Point : « Macron est le meilleur président de droite qu’on ait eu depuis un certain temps » (sic).
  • Gabriel Attal, secrétaire d’état à la jeunesse du gouvernement, deux jours plus tard à BFM : « Non, Emmanuel Macron n’est pas de droite ».  .

Que cet embrouillamini entretenu de part et d’autre de l’échiquier politique ait fini par déboussoler l’électorat de droite semble assez naturel. Deux sondages Ipsos aux résultats sidérants en témoignent :

  • 50% des 1.505 personnes interrogées (03/18) classaient LREM à droite, contre un tiers au moment de l’élection présidentielle (JDD 05/18).
  • seulement 34% des électeurs de François Fillon il y a deux ans ont voté pour la liste de François-Xavier Bellamy aux européennes, contre 27% pour LREM, 18% pour le RN et 9% pour l’UDI (05/19).

Mais qu’en est-il vraiment ? A quoi devrait-on distinguer un président de gauche d’un président de droite ? Et d’ailleurs, le clivage gauche/droite a-t-il encore du sens aujourd’hui ?

Le clivage droite/gauche se serait-il évaporé ?

Alors que certains commentateurs l’avaient enterré, ce clivage apparaît peut-être plus robuste que jamais. A la différence près qu’il s’exprime aujourd’hui de façon plus codifiée. Il existe en effet deux dimensions importantes de la vie de la cité sur lesquelles, depuis quelques années, les français s’opposent radicalement : le libéralisme économique d’un côté et le progressisme sociétal de l’autre :

  • Le libéralisme économique: qualifier le peuple de droite de libéral serait mensonger, les français n’ayant quasiment jamais connu autre chose que l’étatisme, cela tiendrait du miracle. Cependant, l’engouement suscité en 2017 par le programme présidentiel de Fillon suggère clairement la potentialité qu’il puisse le devenir. A l’inverse, la détestation du libéralisme économique à gauche est une certitude. Et les Gracques[2], ce courant qui regroupe les socialistes réconciliés avec le marché (libre concurrence, principe de subsidiarité) s’avère toujours aussi confidentiel parmi eux. Ne parlons même pas de l’extrême gauche, qui rêve encore de planisme communiste.
  • Le progressisme sociétal : cette dimension paraît tout aussi discriminante. A gauche, très nombreux sont ceux qui prônent une laïcité active voire l’abandon des signes évocateurs de nos racines judéo-chrétiennes. L’arrivée sans condition des migrants, le refus de stigmatiser l’islamisme, le dédain pour tout ce qui rappelle la défense de la nation, de ses valeurs et de son territoire ainsi que la volonté de donner toujours plus de droits à certaines minorités (homoparentalité, droit de vote des prisonniers) sont des souhaits profondément ancrés à gauche de l’échiquier. A l’inverse, à droite, l’attachement aux valeurs qui ont fait la France d’aujourd’hui est comparativement très développé, même s’il ne s’exprime qu’en réaction aux assauts contraires, ce qui a naturellement tendance à le faire sous-estimer.

Parce qu’il concerne des fondamentaux sur lesquels chaque camp n’est pas près de transiger, le clivage droite/gauche a de toute évidence de beaux jours devant lui. Mais alors, de quel bord sont nos derniers présidents ?

A quoi reconnaît-on un président socialiste ?

Que les choses soient claires et simplement dites : dans un pays qui truste les premières places mondiales en matière de pression fiscale (57,5% du PIB), de taille de l’Etat (plus de fonctionnaires que les 83 millions d’Allemands) et de contraintes administratives, tant qu’un président ne s’attaque pas à ces fléaux, il ne peut être objectivement qualifié d’économiquement libéral. Français Hollande s’était certes très superficiellement attaqué au droit du travail mais la dette et les effectifs de l’Etat ont continué leur progression tandis que le niveau des prélèvements a explosé, sous les conseils de son conseiller[3] devenu ensuite son ministre de l’économie, l’actuel président !

Quant à Macron justement, celui-ci n’a réalisé jusqu’à présent que deux réformes d’apparence libérale : celle du droit du travail, et la suppression de l’ISF (hors immobilier). Or, la réforme du droit du travail reste du domaine de la cosmétique puisqu’elle s’est bien gardée de toucher aux inégalités entre le public et le privé, tout en accroissant la complexité des textes de lois sans vraiment améliorer la fluidité du marché du travail[4]. Quant à la suppression de l’ISF, cette mesure a été plus qu’annihilée par l’augmentation générale de la pression fiscale des contribuables[5] ! Résultat : avec le gouvernement Macron, prélèvements obligatoires et dette de l’Etat continuent d’augmenter !.

Ainsi, au final, rien de ce qui caractériserait un gouvernement libéral en économie n’a été réalisé par l’actuel président. Aucune réforme de fond n’a d’ailleurs été entreprise pour diminuer l’excessive étatisation du pays. Au lieu de s’attaquer à sa désindustrialisation, son recul en matière de compétitivité avec pour conséquence son appauvrissement relatif, Macron s’entête dans les solutions keynésiennes d’aides à l’emploi ! Quant au côté sociétal, loin d’œuvrer à une réconciliation nationale, Macron a multiplié les agressions contre la culture française, contre la défense du territoire et contre les signes judéo-chrétiens, au bénéfice des minorités qui ont sa faveur.

Sans aucune hésitation, selon les faits avérés, Macron se comporte en président socialiste. Que la moitié des Français le considère comme étant de droite constitue une profonde et triste méprise. Une méprise probablement basée sur les apparences et les discours, ainsi que l’a suggéré le président lui-même en se targuant d’avoir un « habitus de droite »[6].

La droite dans l’attente de son messie ?

Blessés, manipulés, écartelés, les électeurs de droite ont perdu leurs repères cardinaux. La tentation est immense de croire, tels des orphelins encore sous le choc, qu’il suffit d’attendre le leader salvateur pour réparer les plaies et rendre son unité à cet ensemble aujourd’hui dispersé. Encore plus dangereux serait de sortir du congélateur un ex-leader charismatique, à l’instar d’un Sarkozy ou de quelqu’un de sa bande. Bien que confortable à court terme, cette solution signerait la poursuite de l’entreprise de suicide de la droite, et son aboutissement final. Ceci pour deux raisons évidentes :

  • En dehors de la première année de son mandat plutôt réformatrice, et de ses résultats bien meilleurs que ceux de Hollande[7], Sarkozy a vite repris les travers keynésiens et ruineux de ses ennemis politiques. Son ambiguïté politique n’a d’ailleurs d’égal que sa personnalité controversée.
  • Pour relancer un courant et rassembler derrière sa bannière, deux ingrédients doivent être présents au même moment : non seulement un leader (de préférence neuf) mais également un projet cohérent et solide.

 

Sarkozy, l’Hibernatus double face

Vraisemblablement, la déclaration d’Emmanuelle Mignon est à prendre au second degré, c’est-à-dire à l’envers. Sans doute a-t-elle voulu signifier que les leaders de droite étaient tellement socialistes que Macron en constituait le plus abouti des prototypes. Pour ne parler que du dernier président dit « de droite », l’ambiguïté politique de Sarkozy a été maintes fois démontrée. A cette puissante similarité entre Macron et Sarkozy s’ajoute l’aspect clivant de leur personnalité. Sarkozy reste encore détesté d’une bonne partie de la population. Lors des élections de 2012, médias et opposants s’étaient déchaînés contre ses travers. Il en est de même pour l’actuel président[8], dont l’exécration atteint des sommets : fin 2018, la moitié des français souhaitait sa démission, et 55% d’entre eux appelaient de leurs vœux une dissolution de l’assemblée (sondage Yougov, Capital 12/18). Après le déferlement de haine des syndicats contre la non-réforme de la SNCF[9], c’est au tour des gilets jaunes de manifester leur colère contre le gouvernement et en particulier contre son président, et ce depuis une trentaine de semaines !  Macron semble donc même dépasser Sarkozy sur ce plan là.

Quel serait vraiment l’intérêt de la droite à sortir du congélateur une personnalité comportant un tel potentiel de flou politique et de rejet personnel ? En dehors d’une fausse réconciliation de façade et potentiellement insuffisante sur le plan électoral, ce qui procurerait un confort de très courte durée donc, avec Sarkozy ou l’un de ses complices, la droite se verrait parachever son travail d’autodestruction dans un grandiose feu d’artifice de pétards mouillés.

Le salut du pays et de la droite réunis !

Soyons francs : cette obstination de la droite à vouloir se conformer aux standards de la gauche est d’autant plus stupéfiante que l’état dans lequel se trouve l’hexagone constitue une opportunité historique de revenir au pouvoir et de le redresser ! Mettre un terme au keynésianisme qui n’est qu’un antalgique temporaire donné aux chômeurs et aux pauvres pour les faire patienter, réconcilier les Français autour de de leur tradition judéo-chrétienne, de leur culture, en un mot de leur nation, toutes ces grandes tâches se trouvent clairement aux antipodes des valeurs de la gauche.

A l’inverse, et le succès du programme de Fillon lors de la primaire des présidentielles le laissait entrevoir, une énorme attente existe de ce type au sein de l’électorat de droite. Enrayer le déclin économique et social, redonner la fierté d’être français, seul un courant libéral en économie et relativement conservateur[10] sur le plan sociétal peut réussir un tel challenge.

Mais pour cela, ne l’oublions pas, deux conditions sont indissociables : un leader non frelaté, et un programme sans tabous… Ce qui signifie beaucoup de courage pour s’affranchir de cette chape de plomb idéologique imposée par la gauche depuis si longtemps. Une tâche herculéenne en somme.

[1] Personnages en quête d’auteur

[2] Le livre « Politique économique de droite, politique économique de gauche » écrit par des économistes des deux bords dont certains issus des Gracques symbolise parfaitement ce réalisme économique hélas trop peu goûté à gauche…

[3] Au plus mauvais moment, lorsque la reprise post crise du crédit a démarré. Résultat : un seul pays européen n’en pas profité, la France !

[4] Corriger les abus des pénalités infligées par les prud’hommes a été une bonne décision mais ce n’est qu’une goutte d’eau en comparaison des problèmes spécifiques à l’hexagone…

[5] Non seulement dépouiller Pierre pour habiller Paul est politiquement très maladroit, mais cela s’est produit sur fond de mensonge d’Etat : les impôts et prélèvement ont globalement augmenté ! Le mouvement des gilets jaunes a puisé sa source en partie dans ce tour de passe-passe parfaitement scandaleux.

[6] Traduire habitus par « une façon d’être ».

[7] Comparativement au reste de l’Europe, sur deux indicateurs importants, la croissance et le chômage, il n’y a pas photo. Sarkozy a par contre abusé de la dette et des impôts (pour rappel, Hollande a échoué sur tous les plans).

[8] A la différence des médias qui semblent inféodés à l’actuel gouvernement.

[9] Se mettre à dos les syndicats d’un tel bastion pour rien obtenir en échange à part l’arrêt du recrutement des fonctionnaires constitue un échec cinglant et monstrueusement coûteux.

[10] Ni catho-tradi, ni facho, mais simplement pas pressé de bousculer un art de vivre qui fait le charme du pays

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